previous article
next article
to main page

Halyna Petrossaniak

Trois Poèmes

© Halyna Petrossaniak, 2000

***

Une bourgade, autrefois le centre de l’univers, est accroupie
dans un petit coin de la carte, et ses rues avec des petites dépressions,
comme certaines âmes non favorisées par l’espace-temps,
se heurtent sur les montagnes comme sur une impuissance sourde.
Et s’arrêtent, même celle qui s’appelle la rue de la Liberté.
Et ce n’est que la fleuve qui comme autrefois porte ses eaux vertes
en hivers, en dépassant des obstacles.
Le gris opprime même des couleurs d’automne. Au milieu de la bourgade,
c’est un monument d’un autre homme fameux qu’autrefois.
Ses traits de visage prétendent à affirmer qu’un seul ne fait pas une armée.
Les bancs dans un parc peintes en bleu et en jaune.
Le matin, surtout le dimanche les montagnards entrent en ville
(Ils s’appellent Mariyka ou Ivan, ou bien Hanna ou Vassyl).
Ils se dirigent vers le marché, rarement vers l’église pour mettre une bougie.
Les hommes, comme d’habitude, vers le café “Sapin”.
Tu ne reviendras ici sans que tu sens ta peine,
mais quelque chose tient fort, une sorte de cordon
ombilical, tu pousses trop fort, et tes propres tripes vont
sortir comme sur la ligne une poisson.

***

Nous avons traversé la frontière. En cueillant des fleurs dans les champs étrangers,
nous prononcions doucement des paroles d’une langue jamais entendue avant,
nos nuits étaient en plein air, et la patrie venait
dans nos rêves toujours trop rarement, et ses paysages presque
toujours hivernaux – des parages rudes et grandioses
marqués par une signe d’immobilité. Nous oubliions
des voix épargnées des oiseaux, une odeur de chez soi, et cette
faculté paraissait plutôt naturelle que gênante.
Ce pays élu par nous était déjà comme le nôtre.
L’enchantement de l’être arrivait ici à son apogée.
Mais parfois, dans des conversations anodines un nom nous faisait mal,
le nom d’un vieillard étrange d’Ithaque, de cet Ulysse inconcevable.

***

Le calme des paysages inconnus guérit une conscience malade.
Le silence négligé autrefois, je sais l’apprécier maintenant.
La chaleur imprévue d’un abri en montagnes bohémiennes (une triomphe des longues distances).
Le silence comme un don.
Sur la carte bariolée de mes terres je dessine une silhouette de terra
incognita: climat, faune, flore, la coulée de ses fleuves...
Mais des ondes de ces montagnes vont se briser contre le bord azur de ce ciel,
et de loin la douceur des plaines familières va apparaître.

Traduction Roman Ossadtchouk


N12 / 1998

20

2001