Klaus Bachmann
LUkraine, la Pologne et les débats sur lavenir
de lUE
Le pont polonais mène-t-il nulle part?
© Klaus Bachmann, 2000
Cette année 2000, au mois de mai, la société biélorusse de marketing Logos
de Brest (anc. Brest-Litovsk) a fait un sondage sur lattitude de la population
de la région de Brest envers la Pologne. Les résultats étaient très surprenants:
Brest est une ville frontalière industrialisée qui a gardé les traces des migrations
et des transferts de populations pendant et après la guerre ainsi que de lindustrialisation
imposée den haut à lépoque de lUnion Soviétique. Mélangée ainsi, la population
aurait pû se laisser influencer par la propagande de Loukachenka. Néanmoins,
plus de la moitié des personnes interrogées avaient une attitude assez positive
envers la Pologne, considéraient le modèle polonais de transformation comme
exemple à suivre pour la Biélorussie et approuvaient la voie de développement
de la Pologne, y compris son orientation géopolitique. Seulement 20% des personnes
interrogées avaient peur des conséquences de ladhésion de la Pologne dans lOTAN.
Le modèle de la Pologne promu à Brest, ainsi que celle de lEurope, se sont
avérés positifs. La plupart des personnes interrogées se sont prononcées pour
léconomie de marché, létat de droit, les droits de lhomme et la démocratie
libérale, valeurs, sur lesquelles est fondée lidée de lintégration européenne
et qui entre en opposition avec les objectifs du régime de Loukachenka. Les
mêmes enquêtes menées en Ukraine Occidentale et éventuellement dans la région
de Kaliningrad auraient pu donner des résultats semblables. Dans ces régions
le polonais est dune certaine façon une lingua franca utilisée par les jeunes
qui nont jamais eu de contacts avec la Deuxième République de Pologne. La Pologne
y est considérée comme une partie de lOuest, mais cet Ouest polonais est
différent de lOuest américain qui a fait son entrée chez les Ukrainiens et
les Biélorusses à travers les feuilletons et différents spéctacles télévisés
hollyvoodiens dont ils étaient privés par le système soviétique. MacDonald,
Arnold Schvarzenegger et Rambo remplissent le vide culturel post-soviétique
tandis que la Polsat, la TVP et les programmes retransmis de la radio polonaise
sont bien enlacés dans le canevas des meilleurs traditions populaires biélorusses
qui ont survécu au zèle de la soviétisation. Cet Ouest polonais leur est plus
proche et compréhensible.
La Pologne est-elle un pont vers lEst?
Au début des années 90, les autorités et les hommes politiques polonais essayaient
de présenter la Pologne comme un pont vers lEst. Le pays était dans un état
de régression, semblait instable et peu attrayant pour des investisseurs étrangers.
Le mythe de la grande Russie qui surmontera le marasme économique dun jour
à lautre pour redevenir un grand marché, était encore présent en Europe Occidentale.
Ce mythe sest vite dispersé, les gens étaient déçus de la perestroïka (restructuration),
la Pologne redevenait attrayante tandis que la légende du pont polonais vers
lEst existait toujours. Les résultats du sondage à Brest ainsi que le fait
que la transformation polonaise devenait un modèle pour les pays à lEst de
la Pologne, modèle le plus souvent inaccessible -, semblent confirmer cette
ancienne thèse du pont polonais. Mais seulement à première vue.
La thèse du pont polonais, utilisé par les investisseurs occidentaux pour
aller à la conquête du riche marché russe, sest avérée fausse. Ce marché nest
pas riche, et la Pologne nest pas non plus la voie qui mène vers ce marché.
Le seul secteur, présentant une corrélation statistiquement significative entre
les investissements de capitaux étrangers et lexportation de la production
à lEst, est lindustrie agro-alimentaire. Et encore, ce commerce a subi un
coup dur, suite à la crise russe de 1998, amenant une diminuation considérable
du volume dexportation. Les investissements importants dans léconomie polonaise
nétaient pas destinés à la conquête du marché de lEurope de lEst, mais à
la création du marché polonais dans le contexte du marché européen après son
adhésion à lUE. Ainsi, la société Fiat réexporte la majorité de sa production
dans lUE et la société Daewoo na même pas essayé dexporter ses voitures en
Ukraine mais a préféré créer sa propre usine de montage à Zaporijia. Le PIB
de la Russie est aujourdhui égal à la moitié du PIB des pays du Benelux; les
changements fréquents et imprévisibles dans la politique douanière, le danger
dune nouvelle dévaluation brusque du rouble, la politique désorganisée et dirigée
souvent contre léconomie de marché pratiquée par certains pays post-soviétiques
ne rendent leurs marchés attrayants que pour des spéculateurs et des revendeurs.
Si la Pologne sert ici comme voie, cest une voie qui ne mène nulle part.
La Pologne nest pas non plus le pont entre lOuest et lEst. Elle lie lEst
avec lOuest mais il y a peu de mouvements dans le sens inverse. Lattitude
des Etats-Unis et de lEurope Occidentale a changé non pas grâce à la diplomatie
polonaise (qui faisait pourtant des efforts), mais suite à la décision de lUkraine
de renoncer à larme nucléaire et de fermer la centrale de Tchernobyl. La Pologne
joue effectivement le rôle davocat de lUkraine dans lUE, mais les propositions
de joindre lUkraine à la Conférence Européenne et de lui attribuer, de la même
façon quaux pays des Balkans, une perspective de pays-membre provoquent de
plus en plus lirritation des diplomates allemands et français. Ils considèrent
que le Traité dHelsinki a bel et bien défini les frontières de la Communauté
Européenne pour les prochaines décennies. Le sondage organisé en 1998 parmi
les intellectuels polonais et allemands a montré que les deux groupes ont des
positions bien distinctes en ce qui concerne ladhésion éventuelle de lUkraine
à lOTAN et à lUE. Si, parmi les habitants de lEurope, il existe des partisans
de ladhésion de lUkraine à ces organisations, ils nont quun seul motif:
créer une zone de commerce libre dans lUE sans se soucier de lintégration.
Mais même ce milieu ne détermine pas lopinion publique dans les capitales des
grandes puissances, membres de lUE.
Membre adhérent ou seulement adopté?
Durant les négociations sur la politique extérieure commune de lUE, la Pologne
a pu adopter sans aucune réserve les normes juridiques dans ce domaine.Les problèmes
de cette politique se posaient plutôt au niveau des stratégies secrètes concernant
lUkraine et la Russie, mais également au niveau des règles et coutumes non-écrites.
Les problèmes qui provoquent une réaction très négative en Biélorussie, en Russie
et en Ukraine sont attribués par les eurocrates à la politique intérieure de
lUE! A lépoque où personne en Pologne ne se souciait des conséquences résultants
de laccord de Schengen inclu au Traité dAmsterdam, dans les villages frontaliers
ukrainiens les habitants savaient déjà que la frontière serait fermée. La stratégie
commune de lUE au sujet de lUkraine, proclamée à haute voix, a provoqué une
réaction dans la presse ukrainienne seulement pendant une journée, avant quil
ne soit clair quune fois encore lUkraine nallait pas recevoir le statut de
candidat aux pays-membre. Les discussions sur lapplication des accords de Schengen
à la frontière polono-ukrainienne durent déjà des années. De nouvelles conceptions
ont vu le jour en Ukraine: comment éviter que les frontières exigeant des visas
deviennent également des barrières entre la prospérité et la misère, comment
créer une zone intermédiaire à laide dinvestissements provenant du gouvernement
polonais ainsi que des capitaux de lUE dans le cadre des programmes dassistance
qui ne sarrêteront pas à la frontière. Beaucoup de gens entre Lviv et Loutsk
savent que les problèmes de la coopération régionale trouveront seulement une
solution qui ne nuise pas aux relations polono-ukrainiennes, si la Pologne et
lUkraine manifestent leur bonne volonté, prennent en main linitiative et léchange
dopinions nattendant pas uniquement lextension de lUE.
Si lextension de lUE veut représenter plus quun simple rattachement des
nouveaux pays à la Communauté elle devra commencer une véritable réunification
et renoncer à cette politique de division en Orient et en Occident. Cela nécessite
que cette Union soit ouverte, manifeste un intérêt plus considérable envers
lEurope Centrale et de lEst, refuse plusieurs mythes et stéréotypes comme,
par exemple, cette légende que le drame du Kosovo pourrait se répéter nimporte
où et que lextension de lUE serait un moyen de transfert du modèle européen
de la prospérité et de la consommation à lEst afin de stabiliser ainsi cette
région. Pour que lunification de la région se concrétise avec succès, il faut
que les nouveaux membres y adhèrent et ne soient pas adoptés ou reçus, quils
entrent consciemment en UE et pas quils se réveillent un beau matin en réalisant
quils sont à lintérieur de cette structure. Cela exige une politique active,
une bonne préparation et participation aux débats de lUnion. Une affiliation
réelle ne veut pas seulement dire atteindre une standardisation, ni obtenir
une économie forte et le savoir négocier, cela veut aussi dire du prestige,
une bonne image de marque et ce que les économistes appellent lavantage comparé
: dans des circonstances favorables de la libre concurrence chaque pays a au
moins un produit quil sait fabriquer mieux que les autres. La politique polonaise
en matière de lEurope de lEst pourrait-elle être ce produit?
Tourner le dos à lEst?
Parfois il semble que la Pologne, lavocat de lUkraine, sest arrêté à un
carrefour (ou entre deux alternatives). Elle était dans lincapacité de rester
fidèle à ses anciennes promesses de laisser les frontières de lEst ouvertes
après son adhésion à lUE (Président Kwasniewski à Kïev). La ferméture des frontières,
lintroduction des visas, léquipement des gardes frontières par des installations
modernes déclairage et de communication et par des voitures tout-terrains seront
financés par Bruxelles et les pays les plus intéressés de lUE. Toutefois, la
Pologne devra financer elle-même la construction de nouveaux consulats, la création
demplois, lintroduction de visas bon marché pour réouvrir le rideau. La Pologne
sest prononcée pour lextension de lOTAN et de lUE, néanmoins, peut-elle
continuer à soutenir cette idée même au détriment dune adhésion assez rapide?
La Pologne, peut-elle jouer le même rôle que lAutriche?
Ceci est tout à fait possible. Dans les années 80 lAutriche jouait le même
rôle que la Pologne aujourdhui dans les contacts entre lOrient et lOccident.
Ses frontières étaient ouvertes pour plusieurs pays du bloc Oriental, elle
était aussi intermédiaire dans le dialogue politique et servait de territoire
neutre pour les rencontres dhommes daffaires, de scientifiques, dhommes politiques,
aussi ceux qui étaient en mauvais termes lun avec lautre pendant la guerre
civile et, last not least, despions. Les centres de recherches autrichiens
étaient connus en Europe et les hommes politiques autrichiens avaient une réputation
de compétence dans les affaires balkaniques, hongroises et roumaines. Lorsque
certains pays ne voyaient que le bloc de lEst, les Autrichiens y découvraient
les traces de lEmpire des Habsbourg, de la domination séculaire des Turcs,
de la dévastation de la Première République de Pologne et de lEmpire Hongrois.
Puis le communisme et le rideau de fer sont tombés et la Yougoslavie sest désagrégée.
Soudain, il était évident que lon ne pouvait plus utiliser la confiance, gagnée
pendant de longues années, ni la connaissance, ni les contacts pour construire
le nouvel ordre social, mais quil fallait se protéger de limmigration et des
phobies. Et les avions rouillés autrichiens ne pouvaient pas empêcher les violations
de lespace aérien par les MIGs yougoslaves qui allaient bombarder la Slovénie
Indépendante. Quelque chose sest détériorée: lAutriche a introduit des visas
pour les Polonais et des règles plus strictes pour les étrangers, et, sous la
pression de la Bavière, sest très vite jointe aux accords de Schengen, protégeant
ses frontières avec larmée. Pour lAutriche, le printemps joyeux des peuples,
sa propre vision de lEurope Centrale (qui navait rien de commun avec la conception
allemande du début du siècle) étaient alors plutôt perçus comme une nouvelle
version de lassaut des Turcs sur Vienne. Ses politologues et historiens ont
étudié les conflits nationaux séculaires dans les Balkans. Létude des Autrichiens
sur les minorités yougoslaves est plus capitale que celle qui a été faite en
Yougoslavie. Néanmoins, quand la Yougoslavie perdait son sang pendant les épurations
ethniques, conflits frontaliers et agressions réciproques, les Autrichiens ont
baissé les bras dun air impuissant. Cétaient des hommes politiques suédois,
espagnols et américains qui menaient des négociations et missions de paix, connaissant
très peu les racines historiques des conflits et des relations ethniques. Le
rôle de lUE en Yougoslavie est considéré aujourdhui comme une série déchecs
et de défaites infinies. Ceci est dû non seulement aux erreurs de la politique
extérieure européenne mal organisée et à la faiblesse militaire de lUE, mais
surtout au manque de compétence.
La Pologne pourra suivre cet exemple et il faudra peu de choses pour que cela
se passe de cette façon. La Pologne devra bénéficier longtemps du budget net
de lUE, ses couloirs de transit sont dans un état lamentable, la nouvelle
évangélisation et morale chrétienne catholique proposées à lEurope par les
hommes politiques polonais provoquent plutôt des réactions mitigées. Il est
évident que le marché polonais est plus grand que celui de lAutriche. Ces avantages
sont déjà étudiés depuis longtemps par les experts de lUE. Quest ce que la
Pologne peut donc apporter à lUE? Peut-on simaginer que la Pologne en tant
que membre de lUE pourrait jouer pour lUkraine et la Biélorussie le même rôle
que lEspagne a joué pour lAmérique Latine, la France pour lAfrique du Nord
et la Grande Bretagne pour les Etats-Unis?
LEst de lEurope ou une banlieue polonaise?
Il existe en Pologne quelques instituts scientifiques et chaires universitaires
réputés qui étudient lEurope de lEst. Les conférences sur les relations polono-ukrainiennes
se succèdent, sur les rayons des librairies scientifiques on trouve des tas
douvrages sur lhistoire des régions frontalières, les conflits polono-biélorusses,
polono-ukrainienes et la disparition des mensonges et des tabous dans leurs
relations. Néanmoins il y a un grand nombre dauteurs qui ont pour objectif
de justifier les aspirations impériales polonaises existantes depuis des siècles
et de dévoiler les mauvaises intentions russes, ukrainiennes et biélorusses
au lieu danalyser dune manière neutre les causes et les conséquences des conflits.
Même les auteurs qui sécartent de ce schéma, se servent du prisme national
et ethnique et se distinguent de leurs opposants seulement par une attitude
plus compréhensible envers les aspirations des Ukrainiens, des Biélorusses et
des Lituaniens de lépoque. Dautant plus que la majorité des ouvrages consacrés
à la Biélorussie, à lUkraine et à la Russie analysent seulement les phénomènes
polonais, qui sont de peu dimportance pour une meilleure compréhension de lUkraine
et la Biélorussie daujourdhui.
Le vrai problème est ailleurs: lInstitut Occidental de Pologne étudie lAllemagne,
les Centres Universitaires de Lublin font des recherches sur lUkraine et la
Biélorussie, mais quest ce qui les unit? Qui soccupe de lUkraine et de la
Biélorussie dans le contexte de lintégration européenne? Qui, en Pologne, peut
élaborer une stratégie complexe de lintégration du savoir-faire polonais
en matière de lEurope de lEst en association avec la politique extérieure
et de sécurité européenne? Existe-t-il, même à titre de thèse, une conception
polonaise de lavenir de la région de Kaliningrad après ladhésion de la Lithuanie
et de la Pologne à lUE? Qui pourra calculer les conséquences pour la position
polonaise, qui étudiéra les modèles du partage des voix dans le Conseil de lEurope
après la réforme? Chaque pays-membre de lUE a plusieurs centres de recherche
qui fournissent aux hommes politiques une information actuelle, des résultats
des recherches et des conseils pratiques. L Institut Polonais des Affaires
Etrangères est soumis régulièrement à la restructuration et publie avec beaucoup
de retard des informations sur lattitude des autres pays envers les problèmes
les plus actuels de lEurope.
Le Centre dEtudes Orientales ne publie presque aucun ouvrage en anglais ou
en français, sa page web date de lépoque de lapparition de linternet. Malgré
tous ces défauts, les commentaires sérieux de ce Centre, souvent différents
de lopinion publique officielle, sont très appréciés à létranger. Mais où
est donc le Centre dEtudes Européennes qui puisse réagir instantanément aux
décisions prises par les autorités de lUE?
La panique au Ministère des Affaires Etrangères
Depuis plusieurs années nous sommes témoins du même scénario:la diplomatie
polonaise cherche des possibilités pour pouvoir participer aux conférences internationales
concernant la mise en vigueur dun pacte de stabilisation pour les Balkans et
une stratégie pour lUkraine. Cependant les autorités de lUE veulent connaître
lattitude de la Pologne envers ces problèmes. Ceci provoque une panique au
Ministère des Affaires Etrangères où le cercle restreint des autorités élabore
des lettres secrètes. Ensuite, un tiers du contenu de ces lettres est porté
à la connaissance des quinze Gouvernements, Ministères des Affaires Etrangères,
Premiers Ministres, Présidents, Ambassadeurs de tous les pays membres de lUE,
Membres des Commissions des Affaires Etrangères et de lIntégration Européenne,
fonctionnaires des autres Commissions et du Parlement Européen. Enfin, bref,
tout le monde est informé, sauf les électeurs et des fois même les Ambassadeurs
polonais ne sont pas informés. Ainsi, la politique européenne polonaise se trouve
isolée et de ses propres conseilleurs compétents et de son opinion publique.
Il nest pas étonnant que le Ministère des Affaires Etrangères et le Président
de la Pologne aient réagi superficiellement et avec quelques mois de retard
aux déclarations de Jacques Delors, dHelmut Schmidt et de Giscard dEstaing,
après que celles-ci furent traduites par le journal Gazeta Wyborcza. Encore
un exemple: Joschka Fischer, Ministre des Affaires Etrangères, a présenté sa
conception de la Fédération Européenne et dun Parlement de Deux Chambres
dans lhebdomadaire Der Spiegel à la fin de lannée 1998. Jerzy Lukaszewski
a souligné un lien existant entre les deux aspects des discussions sur lavenir
de lEurope. Peut-on se prononcer pour lextension de lEurope niant en même
temps la division de lUE en noyau fort (daprès H.Schmidt et G.dEstaing)
et espace européen? Admettons même que dans quelques années, quand la Pologne
fera partie de lUE, lUkraine trouvera un consensus à lintérieur du pays concernant
son orientation occidentale et acceptera les exigences des normes européennes,
il restera toujours le problème de financement de son adhésion. Ce ne sera pas
le problème de la Pologne, mais celui des pays membres de lUE qui seront obligés
de financer cette extension de leur budget net en augmentant les impôts de leurs
citoyens. De toute façon, lextension de lUE aux pays qui ont un niveau de
développement économique aussi divergent demande de distinguer différentes catégories
de membres potentiels. Quest-ce qui sera le mieux pour les pays comme la Roumanie
et la Bulgarie, et plus tard, pour lAlbanie et la Macédoine : de remettre leur
adhésion à plusieurs années ou daccepter une intégration successive? Ladhésion
à lUnion permet un certain accès au marché commun (vu le déficit du commerce),
une aide financière mesurée de lUE sans pouvoir influencer sa politique pour
autant. Une intégration successive donne la possibilité de participer à la prise
de décisions, ainsi ces pays passent de la catégorie dobjets de la politique
de lUE à la catégorie de sujets. Après avoir lu larticle dans le journal Gazeta
Wyborcza, les mêmes hommes politiques qui, à Paris et à Berlin, se prononcent
pour lextension de lUE et lattribution du statut de pays candidat à lUkraine
peuvent constater que lidée de lEurope à deux vitesses condamne la Pologne
à être membre de la deuxième catégorie. Il est donc évident que la Pologne
na pas dinstitution capable de structurer les débats dans la société. Dans
ce sens, si lon narrive pas à rassembler la compétence de la Pologne en matière
de lEurope de lEst avec ses connaissances sur lintégration européenne, si
sa politique extérieure élitaire se fait dans les coulisses et reste toujours
à lécart de lopinion publique et des recherches solides des institutions compétentes,
cette politique polonaise envers lEst et ses connaissances de ses voisins orientaux
seront vaines. Les Suédois, les Danois, les Portugais avec le concours des instituts
italiens, allemands et français soccuperont des problèmes éventuels. La politique
concernant lUkraine et la Biélorussie ou la région de la Mer Noire se fera
à Londres, à Rome et à Helsinki.
Qui, si ce nest la Pologne, pourra élaborer dans un avenir proche la conception
de la coopération avec la Biélorussie au cas où ce pays effectuerait des réformes
démocratiques et économiques ? Qui sintéressé le plus à une transformation
pacifique des puissants porte-avions russes en avions non militaires et de lenclave
de Kaliningrad en zone de commerce libre qui pourrait servir de pont pour la
Russie,si ce nest la Pologne et la Lituanie ? Il existe déjà une conception
de statut spécial pour la zone de Kaliningrad dans le cadre des accords de Schengen
qui permettra aux habitants de cette région de continuer à voyager et à faire
du commerce avec la Pologne sans avoir besoin de visas. Pourtant, cette conception
na pas vu le jour en Lituanie ou en Pologne, mais au sein de la Commission
Européenne. Ce nest pas ladhésion de lUkraine qui est mis en jeu dans les
débats sur lavenir de lUE, mais lapproche le plus souple des quinze puissances
envers la coopération régionale entre la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie,
futurs membres de lUE dun côté, et leurs voisins de lEst de lautre, sans
tenir compte du fait quils ont le statut de candidat ou non. Il est difficile
de trouver des adversaires de la thèse que lUE doit effectuer une intégration
différenciée et ne pas adopter lUkraine en tant que membre qui jouit de droits
égaux. Néanmoins, il est facile de trouver des alliés qui se prononcent pour
le noyau fort et ouvert ainsi que pour lextension et louverture de lUE
envers la coopération régionale suivant lexemple de lUnion de Nord.
En rejetant toutes les conceptions de lintégration différenciée comme adhésion
de deuxième catégorie, la Pologne restera volontairement muette et sécartera
des débats sur lavenir de lUE et son savoir-faire concernant ses voisins
derrière le Boug sera perdu. Ladoption à lUE de tous les dix candidats de
lEurope Centrale et de lEst à titres égaux retardera tout le processus de
plusieurs années. Son alternative nest pas lEurope à deux vitesses, mais
peut-être à trois, à quatre ou même à cinq vitesses. Ces débats ne font que
commencer en Europe Occidentale, mais il lui manque des informations élémentaires
sur les pays de lEurope Centrale et de lEst. La Pologne, répondra- t-elle
à cet appel?
Traduction Halyna Snihur
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20
2001
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