Anna Veronika Wendland
LE METROPOLITE: ESSAI SUR ANDREY CHEPTYTSKY
© Anna Veronika Wendland,1997
Colossale, pareille à un château ou une forteresse,
mais en même temps légère, gracieuse, presque volante,telle
est Saint George. Elle nage au-dessus de la ville et au-dessus de notre
jeunesse comme un bateau de noces sur les nuages. Elle est surtout fascinante
le printemps, suspendue sur la verdure du parc et des jardins en fleur,
qui entourent des murailles pas très hautes de la cathédrale
sur les collines douces.
Couverte de tous les parfums généreux du printemps lvivien,
cette cathédrale sétend jusquaux nuages, comme
le symbole du triomphe céleste sur les maux de lexistence
terrienne...
Et juste ici, sur les gazons de la colline de la cathédrale paissent
joyeusement des chevaux. Jai pensé que cétaient
les chevaux de Saint George lui-même, le patron de la cathédrale,
qui prenaient des forces dans le pré municipal, mais jai
eu tort. Cétaient les chevaux de lécurie épiscopale,
ils tiraient léquipage de Son Eminence le métropolite
Cheptytsky, le petit fils dAlexandre Fredro.
Józef Wittlin: Mój Lwów (1946)
Ca fait déjà longtemps que mon Lemberg, la grande ville ukrainienne Lviv
dans laquelle jai habité pendant plus dun an et demi, a dépassé les limites
du mont Saint George. Mais si lon regarde du mont du Haut Château le centre
de la ville de lautre côté, on a devant les yeux toujours le même tableau décrit
par Wittlin: la cathédrale Saint George, le centre épiscopal des métropolites
gréco-catholiques de la Galicie, domine la ville, toujours à lécart de lagitation
des ruelles étroites du centre-ville. Celui qui prend la peine de monter le
mont Saint George, va y retrouver les restes des vergers, dominés pourtant par
les antennes du site militaire offertes à la ville par les gouverneurs soviétiques.
Le bâtiment baroque de la cathédrale, le symbole du triomphe céleste sur la
périphérie urbaine, était pendant longtemps le symbole de la précaire situation
terrestre des Ukrainiens de Lviv: dans la ville, autrefois fondée par eux, des
siècles de pouvoir des rois polonais et empereurs autrichiens avaient poussé
les Ukrainiens à la périphérie. Etant des schismatiques , dune confession
différente, ils avaient le droit de sétablir seulement aux faubourgs et ne
pouvaient pas occuper des postes supérieurs dans la ville. Dès la fin du XVIème
siècle ils étaient des uniates , qui, bien que formellement dépendants du
Pape, restaient fidèles au rite orthodoxe et de ce fait navaient pas les mêmes
droits que les catholiques. Avant la deuxième guerre mondiale les Ukrainiens
étaient une minorité dans la ville polonaise.
Mais ce Lwów polonais était en même temps leur Lviv ukrainien, lancienne
ville ducale de leur Galicie orientale, de cette partie de la province autrichienne
où les Ukrainiens étaient en majorité depuis 1772. Au cours du renouveau progressif
de la vie religieuse et culturelle à la fin du XVIIIème siècle, Lviv se transformait
en leur capitale incontestée, qu ils revendiquaient sans cesse. Cest ici que
la mince couche de l intelligentsia ukrainien se concentrait, cest ici que
se trouvait le siège des institutions ukrainiennes importantes. Cest ici quen
1848, année révolutionnaire, des patriotes non seulement polonais, mais aussi
ukrainiens, avançaient leurs demandes de droits sociaux et nationaux. Des prêtres
de la Galicie orientale rurale diffusaient des slogans de Lviv dans la province
et prononçaient des discours devant la communauté paysanne dans lesquels ils
prônaient le Parlement de Francfort provoquant ainsi la fureur et lhorreur
des propriétaires fonciers polonais.Donc, lhistoire de ce peuple sans histoire
ne commence pas seulement en 1991!.
Lviv a toujours été le centre religieux des Ukrainiens de la Galicie. Aux
temps où les Ukrainiens lettrés se composaient à 90 % du clergé, léglise gréco-catholique,
qui portait ce nom depuis MarieThérèse et Joseph II, joua un rôle politique
central. Le métropolite, qui était en même temps lévêque de Lviv, était le
représentant suprême des Ruthènes comme on appelait les Ukrainiens à lépoque.
Le clergé joua un rôle important dans le mouvement national ukrainien même jusquau
XXème siècle, dabord comme force politique dirigeante,et plus tard, quand les
intellectuels laïques commencèrent à prendre la relève, ils continuèrent, un
peu les fantassins du mouvement, à diffuser les idées dans le monde rural, La
jeune génération dactivistes ukrainiens était issue à son tour de familles
ecclésiastiques gréco-catholiques. Par conséquent, les prêtres ukrainiens et
les autorités ecclésiastiques entraient assez souvent en conflit et avec les
autorités locales et avec les Polonais galiciens qui avaient le mieux profité
de la quasi-autonomie, obtenue par la Galicie en 1867. Ce conflit senvenima
pour la première fois dans les années 1880, quand les autorités galiciennes
et le centre viennois organisèrent un procès accusant les dirigeants politiques
de haute trahison, et de concert avec le Vatican firent une purge à grande échelle
de léglise ukrainienne. Comme motif de leurs actions ils proclamèrent la nécessité
de lutter contre les tendances russophiles, dangereuses pour létat . Les
autorités furent surtout inquiètes du fait quun mouvement sétait formé au
sein de léglise, qui se prononçait en faveur dune tendance ouvertement orthodoxe
pour sopposer à la pression croissante du catholicisme polonais privilégié.
Le but du mouvement, appelé à lépoque rituel , était la création dune église
forte, indépendante, nationale, ukrainienne qui défendrait les intérêts de sa
paroisse dépourvue de droits sur sa propre terre. Cétait un projet assez ambitieux,
car léglise gréco-catholique était elle-même une institution transfrontalière:
attachée à léglise occidentale, mais de rite orthodoxe. Au départ elle était
un produit de la contre-réforme dans la république polonaise, imposé par le
fer et par le feu aux slaves orientaux orthodoxes; les ancêtres des paysans
et des prêtres qui aujourdhui soutiennent cette église comme le dernier bastion
national luttaient à lépoque contre elle de toutes leurs forces. La plupart
des Ukrainiens politiquement engagés, qui par ailleurs ètaient plutôt antirusses
que russophiles, prenaient lintervention de létat comme une ingérence brutale
dans le but de poloniser et latiniser ce bastion, et par la suite lécole, la
langue et lécriture. Cétait considéré comme une grande menace puisque la représentation
ukrainienne au parlement était minimale à cause du droit électoral inégal de
classes, et que les élections en général étaient manipulées par une alliance
peu sainte des grands propriétaires fonciers, de la justice et de la bureaucratie.
Telle était la situation quand le comte Roman Cheptytsky, descendant dune
famille de noblesse polonaise dorigine ukrainienne, docteur en droit et officier
de réserve, décida à létonnement de sa famille de devenir prêtre et en plus
de léglise gréco-catholique, cest-à-dire de se convertir en foi de ces ancêtres
. Les ancêtres? Cétait justement sur cette question quil y avait des divergences
dans la famille Cheptytsky. La mère de Roman était la fille du célèbre dramaturge
polonais Alexandre Fredro dont une des rues lviviennes porte toujours le nom;
un de ses frères était général polonais. Pourtant du côté paternel, Roman pouvait
se référer à des modèles brillants à suivre: déjà au XVIIIème siècle la famille
avait donné des hauts dignitaires à léglise ruthène. Plus tard le métropolite
disait quil avait toujours habité dans deux mondes: dans la culture polonaise
aimée et coutumière à sa famille directe et dans la culture ukrainienne de sa
paroisse et de son entourage galicien oriental. Mais les Ukrainiens chez qui
Cheptytsky revint après sa conversion laccueillirent dabord avec méfiance.
Ils lappelaient le comte polonais quand Cheptytsky, sous le nom dAndrey
alors, commença sa carrière dans lordre des Basiliens. A lâge de 34 ans, déjà
nommé évêque, il finit par occuper le poste de métropolite en 1901. Plus tard
un nationaliste russe influant de St.Petersbourg devrait écrire dans The Times
que le métropolite de la Galicie était un ancien officier de cavalerie. Ce
nétait pas pour rien quon mentionnait son titre et sa biographie: Cheptytsky
passait au départ pour un agent polonais avec mission, tout en agissant de lintérieur,
de mettre léglise ukrainienne sur le bon chemin, celui des catholiques.
Dune part, en défendant inlassablement et énergiquement la cause ukrainienne,
Cheptytsky, ce frontalier éternel, prouva quil était prêt à prendre des décisions,
en cas de conflit, en faveur de sa paroisse, contre la solidarité familiale
et contre sa classe. Dautre part, son attitude envers le mouvement national
ukrainien était très ambiguë jusquà la Première Guerre mondiale. Le métropolite
ne voulait pas sacrifier ses valeurs, basées sur la piété profonde, à la raison
dune idée nationale. Quand en avril 1908 un jeune nationaliste ukrainien abattit
le gouverneur de la Galicie Andrzej Pototcki, Cheptytsky fut le seul dignitaire
ukrainien à briser le silence et à troubler la joie secrète des membres du parti
national, - prétexte pour le stigmatiser comme renégat. Aussi, certaines décisions
prises par lui dans les affaires de léglise nétaient pas toujours au goût
des nationalistes: au lieu de lutter de toutes ses forces contre les tendances
russophiles, encore assez fortes surtout chez la génération âgée du clergé ukrainien,
il se prononça pour la réconciliation des camps politiques et interdit aux prêtres
ukrainiens nationalistes de recruter déloyablement des membres des paroisses
russophiles , - nouveau prétexte des nationalistes pour le critiquer sévèrement.
Cette politique était la conséquence dun passage transfrontalier de toute
autre nature. Cheptytsky nappartenait pas à ceux qui maudissaient le mouvement
du rite orthodoxe tel quel comme prorusse, parce que pro-orthodoxe. Il voyait
dans le renforcement de la tendance orthodoxe de son église la voie du rapprochement
avec les croyants orthodoxes de lautre côté de la frontière orientale de la
Galicie, donc avec ceux des territoires ukrainiens sous domination russe. Sa
grande idée était la restauration de lunité ecclésiastique en Ukraine avant
la réunification nationale. Elle servirait en plus de point de départ pour surmonter
le schisme séculaire entre les Eglises de lOccident et de lOrient. Cependant,
il désignait son orthodoxie comme lorthodoxie du contenu religieux qui navait
rien en commun avec lorthodoxie bureaucratique et étatique de la Russie. En
suivant son rêve, Cheptytsky traversa des frontières réellement existantes:
en 1908 il visita incognito lEmpire russe pour propager ses idées. Plus tard
il fut obligé de retraverser la frontière contre son gré: en septembre 1914
les occupants russes de la Galicie le déportèrent dans un monastère russe, car
ils connaissaient son rôle dinspirateur intellectuel et spirituel auprès des
Ukrainiens de la Galicie et ils avaient peur quil pût provoquer des troubles
dans la province nouvellement acquise.
Ce nétait quà cette époque, au temps de la Grande Guerre, que le métropolite
réussit à dissiper les dernièrs doutes du mouvement ukrainien. Il partageait
et supportait sans réserves leur grand but : la construction dun état indépendant
réunissant les territoires des Empires autrichienne et russe. Alors que les
Ukrainiens étaient déjà battu au niveau politique et militaire - vu la supériorité
des adversaires respectifs, - le métropolite continua sans relâche sa mission
diplomatique pour que les droits ukrainiens ne tombent pas dans loubli, notamment
chez les alliées. Quand la guerre civile senflamma en Ukraine de Dniepr et
que le gouvernement de ZUNR (République de lUkraine occidentale populaire)
se trouvait déjà depuis longtemps en exil, le métropolite continua à remplir
sa fonction de dirigeant et de défenseur des Ukrainiens ce qui dépassait largement
le cadre de ses compétences ecclésiastiques. Il resta fidèle à son rôle dintercesseur
quand la Seconde République polonaise, après avoir stabilisé son pouvoir en
Galicie orientale et malgré ses promesses, supprimait progressivement les droits
de la population ukrainienne et imposait sa politique en recourant à la terreur
militaire.
Parallèlement Cheptytsky lutta sans cesse pour la réconciliation polono-ukrainienne.
Mais à nouveau cétait prêcher dans le désert, quand il dénonça publiquement
les ripostes terroristes des nationalistes ukrainiens qui sacrifiaient toute
réserve morale à la cause nationale. Au slogan de lOUN La nation est au-dessus
de tout , Cheptytsky opposa le commandement de Dieu Tu ne tueras point .
Mais quand il renonçait au passage frontalier et prenait parti, cétaient justement
les moments sombres de sa vie politique et religieuse. Sa mentalité supranationale
et sa foi chrétienne ne le préservaient pas toujours des fautes graves. Cheptytsky
avait toujours su fixer des limites aux loyautés politiques, il ne permettait
pas aux politiciens de prendre part dans les affaires ecclésiastiques; lui-même,
il ne se voyait pas comme un politicien non plus. Mais malheureusement, il ne
gardait pas toujours cette ligne ce qui était nuisible pour léglise même. Ainsi,
au temps de la guerre et après la guerre, lui, ce conservateur dorigine aristocratique,
il voyait lennemi principal dans la gauche , ce qui le poussait à accepter
des coalitions fatales. En 1918 il appuya le régime réactionnaire de Skoropadsky
instauré par les militaires allemano-autrichiens en Ukraine de Dniepr, car il
croyait que ce fût un début prometteur pour la création de létat ukrainien.
Il navait pas compris que ce régime navait aucun soutien dans la population
éreintée et maltraitée. Dans les années 30 il se prononçait souvent sur les
événements politiques de lOccident lointain , mais ce nétait pas la montée
de lAllemagne nazie qui le préoccupait, bien au contraire, le fait que des
milieux modérés envisageaient une alliance antifasciste avec des communistes,
était pour lui, le métropolite, le danger majeur. Le régime hitlérien représentait
un moindre mal. Et cétait encore compréhensible, puisque lAllemagne était
loin comparé à lUkraine soviétique où le régime stalinien avait poussé à la
mort des millions de paysans ukrainiens pendant la famine organisée dune dimension
inouïe et avait exterminé toute une génération d intellectuels ukrainiens,
atrocités froidement ignorées par les sympathisants gauches de lUnion soviétique
en Occident. Pourtant, quand les Allemands envahirent en juin 1941 la Galicie
orientale annexée en 1939 par des troupes soviétiques, tous les Ukrainiens ont
pu voir de leurs propres yeux la vraie nature du régime hitlérien.
Cheptytsky, à linstar de la plupart de la population ukrainienne, salua les
Allemands comme libérateurs. Très vite il dut comprendre que des appels moraux
ne pouvaient pas ébranler lindifférence des Ukrainiens à légard du sort des
Juifs galiciens. Sa supplication furieuse du commandement de lAncien Testament
Tu ne tueras point narrêtait pas la transformation des Ukrainiens en exécuteurs
dociles des assassins allemands. Sa protestation contre lexécution des Juifs
et la demande de ne pas utiliser la police ukrainienne dans les actions allemandes
restaient des tentatives risquées, mais inefficaces. Ses tentatives de relier
ses projets dun état ukrainien indépendant tant désiré et de réunification
de léglise, pour le meilleur et pour le pire au sort de lAllemagne nazie,
jettent une ombre sur ses mérites pourtant incontestables concernant le sauvetage
des Juifs et des Polonais. Ses premières avances envers les occupants prouvent
sa fausse appréciation, partagée aussi par plusieurs Ukrainiens qui pensaient
que la politique répressive de lAllemagne à légard de lUkraine, avec toutes
ces déportations aux travaux forcés, ces meurtres en masse, cette famine dans
les villes, ces pillages en campagne, nétait quun malentendu qui pouvait être
corrigé si lon sadressait aux dirigeants allemands.
Quand la défaite sapprocha, Cheptytsky ne changea pas sa position sur la
nécessité de la coalition forcée. Ainsi, la bénédiction de la mise sur pied
de la division SS Galicie, envoyée plus tard à la mort comme chair à canon,
cette bénédiction proclamée solennellement pendant le service célébré à la cathédrale
Saint George est devenue le symbole de légarement à laquelle avait succombé
même le grand métropolite. Son monde dans lequel la parole dun métropolite
avait encore du poid sétait effondré définitivement. Le dernier fanal fut le
massacre dans les derniers mois de la guerre, quand des partisans polonais et
ukrainiens dorientation différente réglaient les comptes entre eux au prix
de milliers de victimes parmi la population civile (cette fois plutôt polonaise).
Cheptytsky vécut encore loccupation soviétique de Lviv en juillet 1944, quil
approuvait en tant quun moindre mal pour arrêter lanarchie sanglante au même
titre que linstauration du pouvoir polonais en Galicie orientale après 1918.
Loccupation soviétique déclencha une nouvelle étape dans la série des purges
ethniques , qui entrainèrent irrémédiablement la perte de ce pays frontalier,
la Galicie, qui était la patrie de Cheptytsky.
Le grand métropolite mourut en novembre de la même année, et ses funérailles
furent la dernière grande manifestation publique de son église qui peu de temps
après fut interdite par ladministration soviétique. Des milliers de martyrs,
de déportés et dopprimés fut le bilan de la longue période de poursuites qui
commença alors et qui ne sest terminée quil y a quelques années avec la légalisation
de léglise gréco-catholique. Cétait à peu près à ce moment-là que je suis arrivée
à Lviv la première fois. Le clergé russe orthodoxe, qui sétait approprié léglise
de Cheptytsky en 1946, venait de libérer sur ordre les bâtiments sur le mont
Saint George; le même scénario se déroulait partout en Galicie accompagné de
collisions entre les croyants orthodoxes et les gréco-catholiques. Lobstination
têtue et pharisaïque vis à vis de ces prébendes chéries et le manque total de
sentiment du droit de lorthodoxie russe, qui sétait laissée faire linstrument
de la politique soviétique répressive en Galicie, caractérisaient le camp des
orthodoxes. Les gréco-catholiques étaient à leur tour irréconciliables, car
après avoir quitté les catacombes ils voulaient bien sûr prendre leur revanche
de linjustice subie. Et ici non plus, il ny avait pas de marge pour ceux qui
traversent la frontière; même maintenant guère de signes indiquent le rapprochement
entre léglise gréco-catholique et léglise orthodoxe russe en Galicie. Les
tentatives non-conformistes de Cheptytsky de démolir les frontières sont presque
oubliées. Aujourdhui le comte polonais est une icône nationale de lUkraine
occidentale; et ses controverses violentes avec le mouvement ukrainien restent
à la rigueur un sujet de la littérature spécialisée.
Le temps de lidentité double et de lexistence double de chaque côté de la
frontière semblent fini pour toujours. Des frontières anciennes sont peut-être
tombées en 1989 ou en 1991, mais déjà de nouvelles frontières surgissent qui
remplissent leur fonction. Dans un avenir proche la frontière orientale de la
forteresse européenne passera peut-être entre Przemysl et Lviv, tout près de
la ligne de démarcation entre les parties orientale et occidentale de la Galicie
autrichienne, au milieu de lancienne métropole de Cheptytsky. Ceux qui essayent
de traverser la frontière, des gens avec leurs propres histoire et déstinée
et qui sans doute nont jamais entendu parler de la Galicie, seront arrêtés
et expulsés dici vers des tiers pays sûrs . Dinsister afin dobtenir le
passage frontalier deviendra une tâche pratiquement insurmontable dans une période
pareille. Le monde de Cheptytsky nexiste plus, ou il nexiste que dans limagination
et peut-être dans les ouvrages de quelques personnes capables de voyager entre
deux camps. Pour eux, il ne reste plus quà conjurer lesprit du passé qui ne
reviendra jamais, comme Józef Wittlin le fait. Lécrivain polono-juif a imaginé
les habitants de sa ville, de la ville Lemberg Lwów Lviv, disparus depuis
longtemps, participer à la procession des ombres sur lallée entre lOpéra et
le monument de Mickiewicz: Fraternisés par la mort, main dans la main, comme
des amis... Les ombres muettes se dirigent vers le théâtre municipal, se retournent
et nagent vers la rue de lAcadémie. Et comme ça sans arrêt: le va et vient
jusquà linfinité, jusquaux derniers jours . Sans efforts nous reconnaissons
dans la foule le métropolite ukrainien Andrey, converti polonais, comte Roman
Cheptytsky.
Traduction Roman Ossadtchouk
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20
2001
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